CHÈRES PUPILLES, MIRETTES, LENTILLES, ET AUTRES PAIRES DE LUNETTES,

Si les mots vous parlent un tant soit peu, que ce soit par conviction littéraire, par devoir professionnel ou par engouement stylistique, vous trouverez ici une myriade d'échantillons plus ou moins substantiels, laconiques ou étoffés, toujours digestes et bien tempérés, voués à alimenter votre bonheur de lire et / ou votre besoin de faire rédiger.

lundi 24 juin 2013

TICKET AVEC CORRESPONDANCE.
"Les beaux jours" de Marion Vernoux.



13h55. J’ai ma bouteille d’eau, il me reste encore 3 entrées sur ma carte. J’ai pris un pull et des chaussettes au cas où la clim se ferait violente, alors tout s’augure bien dans la plus douillette des nonchalances. Mon manque de volonté d’élévation psychique m’a fait opter pour une sympathique bluette, je sais que je vais partager ma séance avec des vieilles filles et des jeunes retraités, et je me love, parfaitement consentante, dans un fauteuil que j’aime et qui me le rend bien.

Un premier plan fixe un peu longuet sur le thorax de la tête d’affiche me confirme ce dont je me doutais : je vais en manger et en remanger pendant une heure quarante, du Fanny Ardant. Effectivement, j’ai droit à ses orteils, à la plante de ses pieds, à la pointe de ses cils, à chaque mèche de ses cheveux, à sa ceinture fine, à sa ceinture plus épaisse, à son jean (il paraît que c’est le premier de sa vie), à sa jupe, à ses paupières, à ses dents, à ses lèvres, à ses pupilles, à ses regards vides, à ses regards pleins, à ses regards mouillés, à ses soupirs, à ses bouffées de nicotine… Consentante, je disais. Problème attendu et confirmé, le souci du personnage interprété par Fanny, à savoir le mamie blues post départ en retraite, n’en est pas un, mais alors pas l’ombre d’un seul. Elle a de l’argent, elle a du temps, elle a un mari marrant et friqué, elle a des filles jolies et casées, elle a et des petits enfants bien portants, ni trisomiques ni handicapés, elle n’a pas un gramme de trop, elle a encore les seins fermes et haut perchés, elle porte bien ses rides, elle vit à deux pas de la mer, elle a une voiture, elle a un joli imper cintré, elle a des solaires Dolce and Gabanna… Mais bon, le scénario ayant décidé que c’est lourd à porter d’avoir le luxe d’anticiper son départ en retraite sur un coup de tête parce qu’on vient de perdre une copine, alors je veux bien, je suis nonchalante, je consens. 15h50. Au bout du compte et des tergiversations plus superficielles tu meurs de Fanny sur le thème du « comment peut-on concilier retraite, maturité, audace et créativité », je finis par admettre qu’il n’y a pas une scène, un personnage (ou même une simple réflexion) pour en rattraper une autre. Même Patrick Chesnais, pourtant toujours aussi emballant derrière sa moustache, est mis en sourdine par la réalisation. Alors je m’enfonce dans mon fauteuil, et je ronge mon ennui au bout de mes ongles, un peu vénère, quand même.
C’est sans doute du 12ème degré, hein ? Une blague de potache qui vient d’avoir son bac avec mention et qui part en vacances sur les îles pendant qu’on sert sa soupe bien gerbante à des milliers de personnes qui sont en train de se faire virer comme du bétail d’une boîte dans laquelle ils ont mis leurs tripes toute leur vie durant. Le pied de nez de quelqu’un qui n’en a jamais eu, et qui fait tourner sa caméra autour de son micro-monde, généreusement enclin à mettre de la merde dans les yeux de milliers de visages sans avenir ni patrimoine, qui n’auront jamais ni travail décent ni retraite assurée. Somme toute un point du vue d’auteur comme un autre à faire valoir, une universalité de réflexion à partager, une tête d’affiche à placarder. 16h05. 
Aussi inoffensifs qu’ils aient voulu être, ces jours pourris quand même me laissent un sale goût dans la bouche. Heureusement, il y a des Cornetto vanille-framboise au guichet.

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